Note 2
: sur la présence de Henri Ier de Blâmont au tournoi de
Chauvency LE TOURNOI
DE CHAUVENCY (1285)
Daprès Jacques Bretel Le Tournoi de
Chauvency
Jeudi, quand il dut ajourner
Chevaux et armes et harnais.
Désormais proche est le tournois,
Les Dames lèvent au matin
Et le prêtre dans son latin
Chante la messe dignement.
Là vit-on moult bénignement
Mainte dame et maint chevalier
A Jésus-Christ merci prier.
Quand le service fut chanté,
Soleil était jà haut levé,
Après tierce, près de midi.
Lors vont hérauts à Montmédy
Et revinrent communément,
Bacheliers d'arme également,
Garçons, valets et écuyers
Et menestrels et messagers
Et d'autre gent mainte manière
Vont sonnant et viennent arrière,
Qui les nouvelles apportaient.
Et les Dames se déportaient
A Chauvency joyeusement
En carolant mout cointement
Une carole si très noble
Que jusques à Constantinople
Ni deçà jusqu'à Compostelle
On n'eût pu en voir de plus belle.
Les Dames main à main se tiennent,
Et sont ainsi comme elles viennent,
Se prend chacune à sa compagne,
Nul homme ne les accompagne.
Ainsi s'en vont faisant le tour
Et bacheliers leur vont entour,
Qui les regardent volontiers
Et se parlent d'un coeur entier.
« Celle-là est blanche et vermeille,
Celle-ci plaisante et bien belle. »
Or Madame de Luxembourg
Pour inaugurer ce beau jour,
Commença très haut à chanter:
« En si bonne compagnie
Doit-on bien joie mener ».
A ces mots s'est appareillé
Un héraut tout entortillé
En la croupière d'un cheval.
Dans la salle est entré aval
En s'écriant: « Lacez ! Lacez ! »
Sitôt fut le danser laissé.
Et la salle de s'agiter...
Les deux batailles bien se virent
Et Limbourgeois du lieu partirent;
Vers les ennemis chevauchèrent,
Les bannières au vent dressèrent,
Hérauts se mettent à huer:
« Or aux heaumes et sans tarder! »
Lors voyait-on heaumes lacer,
Couvertures à bas glisser,
Chevaux hennir et s'agiter
Les gens du commun s'effrayer,
Les vilains fuir et trébucher,
Enseignes, cris d'armes pousser,
Ribauds, garçons, les rangs vider...
Devant les loges, dans la plaine
La campagne fut grande et pleine
De gentille bachellerie,
De valets et d'écuyerie
Et les dames les regardaient
Des loges. Elles attendaient
Le tournoyer et les mêlées
Qui n'étaient plus même éloignées
De moins d'un trait d'une arbalète.
Chacun de chevaucher s'apprête
Et Maucerveau (*) des rangs se part.
Tout autour lui la presse part
Et s'est lancé emmi les champs
Frappant des éperons tranchants
Le destrier, qui grands sauts prend
Et lui, qui de valeur s'éprend,
Lui a la rène abandonnée
Et chevauche une grand huée
Devant le front de la bataille;
L'épée au poing, qui luit et taille
Parmi les ennemis se plonge,
Le corps avec les bras allonge,
Et a la presse dérompue,
Dedans son heaume crie et hue
« Blamont, Blamont ! » puis fiert et frappe,
L'un le saisit, l'autre l'agrappe,
Le tiers le tire et le quart boute,
Mais lui, qui nulle rien redoute,
Se défend bien et mieux assaut,
Quand on de toutes parts l'assaut
A massues et à bâtons.
Il en est grande livraison.
Tous s'écrient: « Tirez a val ! »
Mais il embrasse son cheval
Parmi le col, il mout grand peine,
Ainsi reprend force et haleine...
L'épée il tint arrière aval
Parmi la croupe du cheval,
De bras et de corps le ramène,
Parmi les dents lui fait étrenne,
Au point que le heaume il lui casse.
Lors recommence la mêlée,
Dure, pesante et emmêlée.
Il fallait voir Geoffroy lutter
Et au Châtelain attaquer,
Bras contre bras, pis contre corps !
Chacun était et jeune et fort
Pour son compagnon renverser.
Ecuyers s'y vont amasser
Chacun pour son seigneur rescourre.
On pouvait voir garçons accourre
Et entre les chevaux saillir,
Tronçons d'épées recueillir,
Etriers rompus, couteaux brisés
Et bâtons de fer aiguisés,
Gants à baleine, ou bien cuissards,
Gantelets, colliers et brassards
Rassembler en sacs et girons
Ou aggraper les éperons.
Là fut le tournoi dur et aigre.
(*)Surnom de Henri de Blâmont
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